Utopies
"Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu'on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante: Comment éviter leur réalisation définitive ?... Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence t-il, un siècle où les intelectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d'éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins "parfaite" et plus libre."
Nicolas Berdiaeff
Nicolas Berdiaeff
Ecrit par , le Jeudi 21 Octobre 2004, 21:52 dans la rubrique Extraits .
Commentaires :
Utopie réalisée...
Il semblerait que Berdaieff considère que la réalisation définitive d'une utopie engendrerait avec elle la fin d'un dynamisme (évolutif), une stagnation définitive, un état parfait, dans lequel disparaîtrait toute aspiration vers un autre état. Et que c'est cette possibilité d'évolution, ou de transformation permanente, qui serait pour lui la liberté.
J'irai même jusqu'à dire qu'il assimile, ce semble, l'utopie réalisée, la perfection, à une mort, à la mort de l'espèce.
L'homme serait-il donc condamné à faire successivement un pas en avant suivi d'un pas en arrière pour ne pas réaliser ses utopies ?
En ce nouveau siècle, il semble effectivement que les "intellectuels et les classes aisées" - mais pourquoi eux en particulier, sinon qu'ils en sont les idéologues, c'est-à-dire les stupéfiants, et les acteurs - s'accordent pour faire ce pas régressif qui nous éloigne de la réalisation des utopies d'un monde meilleur : ruine brique à brique des acquis sociaux sous prétexte de liberté d'entreprendre, paupérisation galopante sous prétexte de lutter contre la faim dans le monde, agression délibérée et incontrôlable sous prétexte de lutter contre l'agressivité du monde, en bref, usage permanent de l'équivoque, de l'inversion des valeurs, exaltation du matériel au détriment du spirituel...
Le premier choc pétrolier du milieu des années 70 commençait de sonner le glas d'une fraternité naissante, qu'on oublie toujours quand on évoque cette période-là, et entamait une "reprise en mains" de la liberté qui mettait à mal les pouvoirs établis, liberté qui se nourrissait de la libération de l'imagination, grande - sinon seule - génératrice des utopies.
De même aujourd'hui la catastrophe du 11 septembre sonne le glas de la paix, l'utopie qui présidait à la naissance de l'ONU, et la remise des armes au service de la cupidité et du pouvoir, insatiables par essence.
Ces deux événements, choc pétrolier et attentat du 11 septembre, font naître bien des interrogations, car ils inaugurent deux régressions dans la marche de l'humanité.
Interrogations d'autant plus aiguës que, comme je l'ai lu chez Gandhi, une fois choisi son objectif, il ne faut se préoccuper que des moyens, car les moyens justifient la fin.
La régression achemine plus sûrement vers la mort que l'hypothétique possibilité de réaliser l'utopie d'un monde meilleur.
Audreyelise
Des utopies réalisables
Peut-être...mais j'ai des doutes.
Si ce qu'on considérait comme appartenant au domaine de l'utopie devait s'avérer réalisable, la définition même de cette chose serait dans l'obligation de changer. Car, considérant qu'une chose utopique représente un idéal, un modèle rêvé, quelque chose vers quoi on tend, mais qu'on n'atteint jamais; cela dit, une utopie qui se réaliserait ne serait déjà plus un élément appartenant à ce domaine abstrait et rêvé. Cet élément, par exemple la paix, ne serait désormais qu'une partie essentielle d'un tout, et serait peut-être même perçue comme acquise!
Je crois qu'en évoluant, les sociétés modifient leurs idéologies et que par la force des choses, les utopies se transforment.